Après avoir reçu plusieurs opticiens du département, inquiets des premières informations dévoilées concernant la mise en place du reste à charge « zéro » en matière d’optique (outre l’optique, les audioprothèses et les prothèses dentaires sont également concernées), j’ai interrogé Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé sur cette évolution promise lors de la dernière campagne présidentielle par le candidat Emmanuel Macron.
Si la réforme a été présentée comme une véritable réorganisation des soins visuels avec comme ambition de favoriser l’accès à ces soins pour le plus grand nombre, il semble bien que le projet actuel ne contienne aucune disposition sur la prévention ou l’accès au professionnel de santé. Pire, certaines dispositions suscitent chez eux de vives inquiétudes en ce qui concerne la qualité et l’égalité de l’accès aux soins.
La réponse d’Agnès Buzyn, publiée ci-dessous, appelle une vigilance renforcée.
Question écrite n° 04925 de Mme Brigitte Micouleau (Haute-Garonne – Les Républicains)
publiée dans le JO Sénat du 10/05/2018 – page 2232
Mme Brigitte Micouleau attire l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé les inquiétudes des professionnels de l’optique quant à la réforme à venir du reste à charge zéro dans leur secteur.
Se voulant particulièrement ambitieuse et démocratique, cette réforme avait été présentée comme une véritable réorganisation des soins visuels avec comme objectif de favoriser l’accès à ces soins pour le plus grand nombre. Or, selon les professionnels de l’optique et leurs représentants, le projet de réforme auquel ils ont eu accès ne présente, pour l’heure, aucune mesure sur la prévention ou l’accès aux professionnels de santé.
Pire, certaines dispositions suscitent chez eux de vives inquiétudes en ce qui concerne la qualité et l’égalité de l’accès aux soins. Il en est ainsi de la fixation d’un seuil élevé d’évolution de la vue (supérieur à cinq dixièmes pour un adulte myope) pour bénéficier de la prise en charge dans le cadre d’un renouvellement anticipé ; de l’impossibilité de renouveler les équipements des enfants par anticipation sans ordonnance d’un ophtalmologiste alors que les difficultés d’accès à ces spécialistes vont crescendo ; du sur-encadrement du marché libre qui remet en cause la liberté de choix du porteur de lunettes.
Les professionnels de l’optique regrettent par ailleurs la précipitation dont fait preuve le Gouvernement sur ce dossier qui est illustrée par une présentation du projet initial de réforme en mars 2018 et une finalisation prévue pour la fin du mois de mai 2018, un calendrier qui laisse peu de temps pour une véritable concertation. Ils s’étonnent également de l’absence d’études d’impacts sanitaire et économique de ce projet présenté en mars 2018 par la direction de la sécurité sociale.
Enfin, il est étonnant que cette réforme touchant à la santé de nos concitoyens et à l’égalité dans l’accès aux soins ne fasse finalement pas l’objet d’un examen par le Parlement dans le cadre, par exemple, du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme cela avait d’ailleurs été initialement prévu.
Aussi, elle lui demande de bien vouloir apporter des éléments de réponse précis à l’ensemble des inquiétudes évoquées et de lui préciser ses intentions pour que cette réforme du reste à charge zéro permette effectivement un meilleur accès aux soins visuels dans notre pays.
Réponse du Ministère des solidarités et de la santé
publiée dans le JO Sénat du 24/05/2018 – page 2503
Après des échanges techniques qui ont débuté dès le mois de novembre 2017, la ministre des solidarités et de la santé a ouvert le 23 janvier 2018 une phase de concertation sur la réforme du « reste à charge zéro ». L’objectif du Gouvernement est de diminuer via cette réforme le taux de renoncement aux soins pour des raisons financières dans trois secteurs : la prothèse dentaire, l’audioprothèse, l’optique médicale. Plus précisément, il s’agit d’assurer un reste à charge nul après l’intervention combinée de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie complémentaire.
Le « reste à charge zéro » s’appliquera à un panier de soins nécessaires et de qualité, c’est à dire que les dispositifs de ce panier doivent permettre de répondre de façon médicalement pertinente aux besoins de santé et dans des conditions correspondant à une attente sociale légitime, par exemple en matière d’amincissement des verres pour les personnes très myopes. La liberté de choisir et de proposer sera préservée : il doit être possible à tout un chacun de s’équiper ou de recourir à des soins prothétiques sans reste à charge, mais il sera loisible à toute personne de faire un autre choix ; il s’agit de passer du reste à charge subi au reste à charge choisi. Les professionnels auront la liberté de proposer d’autres prestations en dehors de ce panier.
Enfin, tous les contrats responsables devront proposer le reste à charge zéro, mais les assureurs complémentaires pourront continuer à proposer, au-delà de ce socle, d’autres offres de prise en charge. Au vu de l’importance du projet de reste à charge zéro pour les trois secteurs concernés, le Gouvernement privilégie une large concertation avec les acteurs concernés : les fabricants et distributeurs de dispositifs médicaux, les professionnels de santé, les organismes complémentaires de santé et les représentants des patients.
Le cadre de concertation et de négociation pour les soins dentaires est le cadre conventionnel entre la caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et les représentants des chirurgiens-dentistes : les négociations ont débuté en septembre 2017 et se poursuivent. Dans le secteur de l’optique et de l’audioprothèse, dans le cadre des échanges techniques entamés en novembre dernier avec les services du ministère, chaque partenaire a été invité à produire une contribution sur les différents volets de la réforme.
Les réunions de concertation ont repris début mars et se poursuivront jusqu’à la fin mai 2018. Le Gouvernement entend laisser la négociation se dérouler librement et chacun est amené à exprimer ses positions et propositions. Il n’arrêtera ses décisions qu’à l’issue de cette phase et mobilisera en conséquence les leviers conventionnels, réglementaires et législatifs qui s’avèreront nécessaires.